Saint Louis
Introduction
Le règne de Philippe Auguste et sa lutte victorieuse contre les puissants Plantagenêt, revendiquée par la prestigieuse victoire de Bouvines, a permis de consolider considérablement le pouvoir des Capétiens. La France voit désormais se succéder de grands rois sur son trône. Le règne de Louis IX devenu Saint Louis est l’un des plus marquants. Il est marqué principalement par plusieurs croisades : deux croisades contre les Musulmans (septième et huitième) et une sanglante croisade contre les albigeois entamée par ses prédécesseurs.
Les règnes
Le règne de Louis VIII le Lion
Louis VIII est le fils de Philippe Auguste et de Isabelle de Hainaut. Il s’illustre principalement au cours du règne de son père, en remportant notamment la victoire de La Roche-aux-Moines contre Jean sans Terre. Il faillit même obtenir la couronne d’Angleterre que les barons anglais révoltés lui proposèrent. Philippe II, sûr de sa puissance, n’avait pas jugé nécessaire de faire sacrer son fils de son vivant, comme l’avaient fait les précédent Capétiens. L’Histoire prouva qu’il avait raison : à sa mort en 1223, Louis VIII monte sur le trône. Le nouveau roi a déjà beaucoup d’expérience pour avoir longtemps régné aux cotés de son père. Louis VIII continue la lutte contre les Plantagenêt, en enlevant coup sur coup le Poitou, la Saintonge, l’Angoumois, le Périgord et une partie de la Gascogne. Ces conquêtes foudroyantes lui valurent le surnom de « Le Lion ». En 1226, Louis dirige une croisade contre les albigeois où une mystérieuse hérésie s’est implantée. Il fait le siège d’Avignon, mais meurt soudainement de la dysenterie (on parle de contamination volontaire des sources d’eau). Ce règne court de trois ans s’arrête brutalement, il s’annonçait pourtant prometteur et rayonnant.
Blanche de Castille
C’est au cours de l’hiver 1200 qu’Aliénor d’Aquitaine (reine de France, puis d’Angleterre), âgée de 80 ans, escorte sa petite fille Blanche de Castille, âgée de 12 ans, auprès du trône de France où elle a été promise au fils de Philippe II, le jeune Louis. Il s’agit pour Aliénor de sauver l’empire angevin, suite au désastreux règne de son fils Jean Sans Terre. Louis et Blanche ne se connaissaient pas lorsque la décision du mariage fut prise, ce qui n’a rien d’étonnant à l’époque. Ils grandirent d’abord l’un près de l’autre pendant cinq années et s’épousèrent en 1205. Le mariage fut fructueux puisque plus de dix enfants naquirent de cette union. Louis VIII, malade à son retour de sa croisade contre les albigeois avait rédigé un testament dans lequel il confiait le gouvernement à sa femme, jusqu’à la majorité de leur fils Louis (âgé de 12 ans). Pour la première fois, la reine de France allait régner sur le royaume, annonçant évidemment une période de trouble interne. Mais c’est sans compter les grandes qualités de chef d’Etat de la mère du futur Saint Louis.
Louis VIII est le premier roi capétien qui ne fut pas couronné du vivant de son père.
La régence de Blanche de Castille
Energique et volontaire, la régente dut d’abord faire face à la révolte des grands barons, conduits par le duc de Bretagne, les comtes de Champagne et de Boulogne. Elle réussit à briser cette opposition en ralliant à la cause royale le comte de Champagne, Thibaud. Elle conclut ensuite, à l’avantage de la couronne, la guerre contre les albigeois et tint fermement en main les rênes du pouvoir jusqu’à 1242. Femme cultivée et expérimentée, Blanche de Castille sut s’entourer d’une équipe de fidèles conseillers qui, pour avoir assisté les deux précédents rois de France, avaient acquis une connaissance étendue et profonde des affaires publiques. Elle consacra aussi une part importante de son temps à l’éducation du jeune roi, son fils, dont elle fit un chrétien accompli qui ne devait jamais oublier par la suite les principes religieux qui lui furent alors inculqués. « Mon fils, lui disait-elle, je vous aime bien, mais j’aimerais mieux vous voir mort que coupable de péché mortel. »
A son arrivée au pouvoir, Louis IX est un roi bien préparé, très encadré par sa mère. C’est également le premier roi à avoir connu son grand-père, l’illustre Philippe Auguste, qui lui prodigua de nombreux conseils. Les dominicains et franciscains étaient nombreux autour de lui et exercèrent une influence croissante sur son comportement et sur sa politique. Louis IX est ainsi reconnu par ses vassaux et craint en Angleterre.
Le règne de Saint Louis
Conscient de ses devoirs et soucieux de les accomplir sans faiblesse, Saint Louis était également très attentif à faire respecter ses droits. La prépondérance royale ne se discutait pas pour lui. Lorsqu’en 1242, pour la dernière fois, les grands du royaume, appuyés par le roi d’Angleterre, se soulevèrent, il alla personnellement battre leurs armées sous les murs de la ville de Saintes, et prit contre eux des mesures énergiques et efficaces (bataille de Taillebourg 1242). Cette victoire confirme la suprématie de la monarchie capétienne sur les grands seigneurs féodaux et affaiblit considérablement les prétentions anglaises en France.
Dans le double dessein d’être plus attentif au bien-être de ses sujets et de donner une solidité plus grande à la monarchie, dont le domaine s’était considérablement agrandi en moins d’un siècle, Saint Louis poursuivit l’œuvre de ses prédécesseurs en matière administrative. Sous son règne, les baillis, ces inspecteurs itinérants créés par Philippe Auguste, furent installés dans une circonspection fixe. Pour les surveiller et empêcher leurs excès, le roi les fit contrôler par des enquêteurs royaux. Il crée en 1254 un Parlement qui devient une cour de justice et un conseil politique. Il n’hésite pas à s’impliquer dans certaines décisions de justice et met fin au jugement de Dieu en ordonnant des enquêtes et des recherches de preuves avec auditions de témoins. Il renforce également l’autorité royale en réduisant celui de la grande féodalité : il impose sa propre monnaie par ordonnance et limite la circulation de celle des seigneurs à leur seul domaine. Pendant l’été 1242, Saint Louis tomba gravement malade et, au milieu de ses souffrances, il fit serment de « prendre la croix » si Dieu permettait sa guérison. Le règne de Louis IX est ainsi marqué par deux croisades en Terre Sainte et la lutte contre les hérétiques cathares. (voir la page concernant les cathares)
Les Croisades du roi
La septième croisade (1248 - 1254)
En 1248, la Terre Sainte est reprise par les infidèles : le sultan d’Egypte a repris Jérusalem qui avait été restituée aux occidentaux suite aux négociations de la 6ème croisade, et a massacré l’armée franque. Louis IX entreprend donc une expédition au cœur de l’Egypte afin d’attaquer les sarrasins au cœur de leur puissance, espérant forcer le sultan à céder Jérusalem. Cependant l’ardeur religieuse est moindre, Louis IX est obligé de forcer un certain nombre de ses proches à prendre la croix avec lui. Il part avec sa femme Marguerite de Provence et ses deux frères, Robert d’Artois et Charles d’Anjou. Le roi embarque à Aigues-Mortes, un port royal en construction qui permettra à la France d’avoir un débouché sur la Méditerranée. Après une escale à Chypre, les croisés s’emparent de la ville de Damiette, puis se préparent à marcher sur Le Caire où résidait le sultan. Elle ne parvient pas à son but, car elle fut assaillie en route par les sarrasins et taillée en pièces à Mansourah. Le frère du roi, Robert d’Artois est tué avec bon nombre de ses chevaliers, le roi et le reste de l’armée furent faits prisonniers. Après négociation, Louis IX est libéré contre une énorme rançon de 400 000 livres (payée partiellement par les Templiers). Saint Louis passa encore quatre années en Terre sainte, aidant les principautés franques à réorganiser leur système de défense. Les renforts sur lesquels il comptait ne venant pas, il finit par rentrer en France, en 1254. C’est également la mort de sa mère, Blanche de Castille, qui assurait la régence, qui va décider Louis à rentrer après six années d’absence.
Malgré l’échec de la croisade, Saint Louis gagna le respect et la considération du pape.
La huitième croisade (1270)
L’échec de la septième croisade, que Saint Louis interpréta comme une punition divine l’affecta beaucoup. Pourtant au XIIIe siècle, l’Europe n’est plus, comme au XIIe siècle, mobilisée contre les infidèles. Comme le disait le poète Rutebeuf : « On peut bien gagner Dieu sans bouger de son pays, en vivant de son héritage. Je ne fais de tort à personne. Si je pars, que deviendront ma femme et mes enfants ? Il sera temps de se battre quand le sultan viendra par ici. » Le danger représenté par les musulmans était devenu moins pressant : déjà expulsés de Sicile, ils étaient méthodiquement refoulés de la péninsule Ibérique. Bien que le tombeau du Christ fût à nouveau sous le contrôle de l’islam, la ferveur religieuse était retombée, de même que s’était dissipé l’espoir d’une colonisation facile et d’une fortune rapide qui nourrissait les rêves des petits seigneurs. De ce point de vue, Saint Louis n’était pas en accord avec son temps : les bourgeoisies marchandes avaient compris qu’on ne pourrait déloger ni contenir l’islam, mieux valait s’accommoder de son existence et entretenir des relations avec lui. Saint Louis ne partageait pas ce point de vue et voulut tenter une nouvelle fois l’impossible. Il commença à accumuler l’argent, les vivres et les armes dès 1267. En juillet 1270, il s’embarqua pour Tunis. Il croyait son frère Charles d’Anjou, roi de Sicile, que l’émir de cette ville avait l’intention de se convertir au christianisme. Epuisé par la chaleur et le manque d’eau, le vieux roi mourut devant Tunis. On a longtemps cru qu’il s’agissait de la peste, mais il semble que ce serait plutôt d’une dysenterie. Avec cet ultime et dérisoire échec s’achève l’ère des croisades dont Louis IX incarne la dernière figure.
Le royaume de Saint-Louis
La légende de Saint Louis
Louis IX appartient à cette catégorie de personnages historiques dont le souvenir s’entoure d’images familières et touchantes ainsi que d’anecdotes et de légendes édifiantes. Qui, en effet, n’a pas entendu parler de ce roi juste et bon que Joinville, le chroniqueur du règne, le confident et l’ami du souverain, nous a décrit simplement vêtu, coiffé d’un chapeau orné d’une plume de paon blanc, écoutant les plaintes de ses sujets ou rendant la justice sous un chêne à Vincennes ? Dans ces conditions, il n’est pas toujours aisé de faire la part entre légende et vérité. Il est incontestable cependant que Saint Louis eut à cœur d’être un roi « très chrétien ». On sait par exemple qu’il lui arrivait fréquemment de recevoir à sa table certains pauvres et, après leur avoir servi lui-même la viande et le pain, de les reconduire en leur faisant don de quelques deniers. On sait aussi qu’il assistait quotidiennement aux offices religieux, s’habillait toujours simplement et que, afin de soulager la misère des aveugles, il fit construire pour eux l’hôpital des Quinze-Vingt.
Un roi très chrétien
Son sens de la justice et de la droiture de son jugement firent choisir Saint Louis pour arbitre dans les conflits opposant rois et princes. Lorsqu’on lui reprochait sa trop grande générosité à l’égard des plus démunis, il se contentait de répondre : « Si je dépense quelquefois beaucoup d’argent, j’aime mieux le faire en aumônes pour l’amour de Dieu que pour mes frivolités et choses mondaines. » Son désir de faire respecter la loi divine revêtait parfois des aspects moins sympathiques : si l’on peut approuver sans réserve qu’il ait interdit les duels sur toute l’étendue de son domaine, il est plus difficile d’admettre les mesures cruelles qu’il prit à l’encontre des juifs, dont il ordonna qu’ils fussent chassés du royaume, des hérétiques, qu’il condamnait à être brûlés vifs, et des blasphémateurs, auxquels il faisait percer la langue au fer rouge. Joinville raconte à ce sujet qu’en 1251, le roi, qui était alors en croisade en Palestine, ordonna qu’on fasse mettre au pilori (un poteau surmonté d’une roue sur laquelle on exposait le condamné) un orfèvre parisien : on lui avait rapporté une conversation au cours de laquelle cet homme avait outragé le nom de Dieu. Les enfants de moins de dix ans coupables du même délit étaient fouettés sur la place publique et on offrait une récompense à ceux qui dénonçaient les fautifs. Bien qu’il approuvât l’action de Saint Louis, le pape lui-même trouvait quelquefois excessive cette justice cruelle et, en 1268, il invita le roi de France à faire preuve de clémence. Mais sa fidélité à la chrétienté, sa vie exemplaire, les efforts qu’il déploya pour arracher aux sarrasins le tombeau du Christ lui valurent d’être canonisé en 1297.
Saint Louis, comme beaucoup d’hommes de son temps, accordait une grande importance aux reliques. On désigne par ce terme les ossements d’un saint ou les objets lui ayant appartenu et auxquels l’Église autorisait qu’on rende un culte. En 1239, le roi acheta à des marchands vénitiens, pour une somme considérable, la couronne d’épines que le Christ aurait portée au moment de sa Passion. Pour abriter cette relique, Saint Louis demanda à Pierre de Montreuil de construire un édifice exceptionnel : ce fut la Sainte-Chapelle. La voûte repose sur une charpente de pierre à croisée d’ogives ; l’armature en est assez fine pour que le sol ne soit pas encombré par la retombée des piliers. Les murs, qui ne supportent plus aucun poids, sont entièrement recouverts de très beaux vitraux. C’est une magnifique application des principes de l’architecture gothique.
Un royaume prospère
Au milieu du XIIIe siècle, la France de Blanche de Castille et de Louis IX jouissait d’une incontestable prospérité. Les ressources de son agriculture lui permettaient d’ignorer la famine. Toutes les grandes routes commerciales traversaient le royaume capétien. Les marchandises produites en Europe du Nord ou qui étaient apportées par les négociants italiens en Flandre et surtout en Champagne étaient échangées au cours des foires annuelles : on ne compte pas moins de six foires pour la seule Champagne. Autour de ces carrefours commerciaux s’édifiaient des villes actives. L’université de Paris, qui est le plus grand centre intellectuel de la chrétienté, contribue elle aussi, dans son domaine, au rayonnement exceptionnel de la France dans l’Europe du XIIIe siècle. Rayonnement dont témoigne la diffusion de la langue française : avec le latin, c’est la seule langue qui est comprise un peu partout en Europe. Mais le prestige de la France était dû, pour une large part, à celui dont était auréolé le nom du roi à l’intérieur de ses Etats comme au-delà des frontières.
Sources et liens
- Encyclopédie Tout l'Univers (Hachette)