La société française en 1789
Un contexte difficile
Un règne difficile et décevant
Louis XVI n’a que 20 ans lorsqu’il succède à son grand-père. Il se retrouve face à une situation difficile :
- désordre financier
- révoltes des privilégiés avec à leur tête la noblesse de robe des parlements.
- discrédit de la couronne : Louis XV a été enterré de nuit pour éviter des hostilités. Pourtant le 10 mai 1774, le royaume accueille avec enthousiasme le nouveau règne.
Mais Louis XVI n’est pas l’homme de la situation. Malgré de bonnes intentions, cet homme doux et affectueux manque cruellement de courage pour soutenir les réformes de ses ministres et tenir tête aux privilégiés. Ses seules passions sont la chasse et la serrurerie. Il déclare un jour à Malesherbes : « Que vous êtes heureux ! Que ne puis-je aussi quitter ma place ! ». Très vite la dépensière et frivole Marie-Antoinette s’attire la haine du peuple. Rarement souveraine n’aura été autant détestée. Pour beaucoup elle est restée « l’Autrichienne ». Elle est en partie compromise par l’affaire du collier. Quant aux frères du roi, ils ne lui sont d’aucune aide :
- Le comte de Provence (futur Louis XVIII) est attiré par la philosophie.
- Le comte d’Artois (futur Charles X) reste ancré dans des positions répressives.
Ce scandale contribua à discréditer la reine aux yeux des Français. A l’origine, le cardinal de Rohan cherchait les faveurs de Marie-Antoinette. Il va être victime d’une machination d’un groupe d’escrocs. Ceux-ci lui organisèrent un rendez-vous nocturne avec la reine, mais au soir le cardinal qui pensait avoir rencontré la reine avait en réalité rencontré un sosie. On le persuada par la suite que la reine désirait une rivière de diamants d’une valeur de 1 600 000 livres. Le cardinal fit l’intermédiaire et l’acheta aux joailliers. Les escrocs s’en emparèrent et vendirent les diamants. Au moment du paiement les joailliers se retournèrent contre la reine. Le scandale était désormais public et le peuple prit le parti de Rohan qui devint une victime des machinations de la reine.
Une société inégalitaire
En 1789, la France est constituée de 26 M d’habitants, mais les différentes classes sociales se partagent inégalement :
- La noblesse compte 400 000 personnes ; on distingue la haute noblesse, qui est constituée de familles proches du trône, et la petite noblesse, représentée par des gentilshommes peu fortunés et la noblesse de robe qui forme la magistrature (tâches administratives).
- Le clergé se dissocie en haut clergé constitué des évêques, cardinaux et abbés et le bas clergé qui partageait le mode de vie et les aspirations du peuple. Le clergé est formé d’environ 120 000 personnes.
- Le tiers état représente 98% de la population française. C’est la partie active et laborieuse du pays. Elle-même se décompose en plusieurs groupes :
- La bourgeoisie. Elle est formée d’industriels, de banquiers, de commerçants, avocats, enseignants ou médecins… Cette classe tient en main l’économie du pays et fournit les cadres administratifs. Elle est cependant écartée des hautes charges politiques.
- Le petit peuple des villes. Les ouvriers, les petits artisans sans oublier les miséreux sans emploi qui vivent dans des conditions difficiles.
- La paysannerie. C’est la partie la plus importante et la plus nombreuse. Même s’il y a des différences entre le propriétaire et l’ouvrier agricole, tous sont ligués contre les privilèges féodaux (corvée, impôts seigneuriaux, droit de chasse…).
La bourgeoisie qui va prendre la tête de la Révolution peut compter sur les paysans affamés et sur le peuple des faubourgs.
La politique et l’administration royale
- Politique intérieure. Le régime a gardé l’héritage de Louis XIV et de la monarchie absolue. Le pouvoir du roi est sans limites. Il peut nommer et révoquer ses ministres et contrôle tous les membres du gouvernement central. Malgré la centralisation du pouvoir, il reste néanmoins des distinctions dans l’administration des provinces qui gardent une majorité de particularités propres à certaines régions, villes ou tribunats. Tout ceci contribue au désordre et à l’instabilité de l’administration française.
- La politique extérieure de Louis XVI. Elle est marquée par la guerre d’Amérique. Quelques Français volontaires sont envoyés aux côtés des insurgés américains dès 1777 (La Fayette), puis le corps expéditionnaire royal est officiellement investi à partir de 1779 (Rochambeau). La France a pour ambition d’affaiblir l’Angleterre et de récupérer des territoires perdus au cours de la Guerre de Sept Ans. La flotte et les amiraux français (de Grasse) se couvrent de gloire et battent les escadres anglaises sur toutes les mers du globe. En 1781, la bataille de Yorktown est décisive, et en 1783, le traité de Versailles reconnaît l’indépendance américaine. La France récupère St Pierre et Miquelon et le Sénégal…
Les impôts
Les nobles ne paient que de faibles impôts mais sont dispensés de la taille. C’est le plus lourd impôt, il prélève près de 53% du revenu, mais ce taux peut s’aggraver en cette période de dette budgétaire. Les impôts indirects tels que la gabelle ou la dîme en faveur du clergé suffisent pour accabler les sujets du royaume. De surcroît, l’Église ne paye pas d’impôts, et de nombreux membres du clergé détournent l’argent des fidèles et du royaume pour leur bien personnel. La participation de la France à la guerre d’Amérique (2 milliards de livres) aggrave la dette du Trésor Public et le déficit s’amplifie.
- Les aides : Impôts indirects royaux, portant principalement sur les boissons (mais aussi sur les huiles et savons, les papiers, les cartes à jouer, etc.) En 1789, Necker les en retira et les mit en régie.
- Les banalités : Droit seigneurial par lequel certains seigneurs pouvaient prescrire l’usage payant et obligatoire du moulin, du four ou du pressoir (dit banal). La banalité du moulin figurait parmi les droits seigneuriaux les plus lourds et les plus détestés.
- Le casuel : Redevance perçue par le Clergé, à l’occasion des baptêmes, mariages et sépultures.
- Le cens : Redevance due annuellement au seigneur, pour les terres exploitées sur sa seigneurie.
- Le champart : Redevance due au seigneur par ses censitaires, consistant en une portion de la récolte (en moyenne une gerbe sur dix).
- La dîme : Principale redevance due au clergé et représentant la portion la plus importante de ses revenus. On distinguait plusieurs types de dîmes selon leur objet : grosses dîmes (sur le blé et le vin), dîmes menues ou dîmes vertes (sur les autres céréales, les légumes, etc.), dîmes de charnage ou de carnage (sur les brebis, porcs ou animaux de basse-cour), dîmes anciennes, dîmes novales.
- La gabelle : impôt royal de consommation sur le sel, généralisé au XIVe siècle.
- Le minage : droit perçu par le Roi, un seigneur ou une municipalité sur les grains et les autres marchandises vendues dans les foires et les marchés.
- La taille : Elle apparaît au XVe siècle, différente dans les pays d’oil et les pays d’oc. Elle devient pendant trois siècles et demi la base de la fiscalité personnelle de l’Ancien Régime.
- La capitation : Créée en 1695, elle repose sur une division de la propriété en vingt-deux classes, chaque classe étant imposée selon un tarif différent.
- L’impôt dixième : C’est un prélèvement du revenu de toutes les propriétés (revenus fonciers, revenus mobiliers, revenus des professions libérales, revenus de l’industrie). Le dixième sera remplacé par le vingtième, qui sera un impôt permanent.”
Le duc d’Orléans et les francs-maçons
La branche d’Orléans débute avec la naissance de Philippe, frère de Louis XIV. Sa famille est très influente dans le royaume. Son fils Philippe II d’Orléans est le Régent jusqu’à la majorité de Louis XV. Le duc d’Orléans, à l’époque de la Révolution, est très riche, et est partisan des idées nouvelles de son siècle. Il est le cousin de Louis XVI avec qui il ne cessera de s’opposer, aspirant à accéder à la Couronne. Député à la Montagne sous le nom de Philippe Égalité, il vote la mort du roi. Son fils Louis-Philippe sera roi des Français en 1830. Mais surtout, le duc d’Orléans est le grand maître de la franc-maçonnerie. Ce mouvement, très présent en Nouvelle Angleterre, a animé la Révolution américaine (Franklin et Washington en font partie). Cette école très célèbre cultive l’idéal de la fraternité et de la solidarité en pratiquant des rites symboliques. Les idées républicaines et la philosophie positiviste réaniment cette tendance créée par des maçons constructeurs au VIIIe siècle. A la veille de la Révolution, ce mouvement est très répandu dans le milieu aristocratique où l’on s’emploie à aider les vieillards et à créer des hôpitaux. Mirabeau, La Fayette, Joseph Bonaparte et les maréchaux Ney et Macdonald sont des Français célèbres qui adopteront ses idées.
Le royaume en crise
Le siècle des Lumières prend fin et le peuple désire la fin de la monarchie absolue et de l’ordre féodal. Le Tiers État ne supporte plus les privilèges et les impôts lourds. Vingt-cinq millions de Français entretiennent par leur travail une petite minorité de privilégiés. L’inégalité de naissance, de condition sociale et l’inégalité devant l’impôt et la justice contribuent à renforcer le mécontentement du peuple. Les réformes mises en place par les différents ministres ont échouées. Turgot, Necker, Calonne puis Loménie de Brienne ont essayé de réduire les privilèges accordés à certains, mais se sont heurtés à la haute-bourgeoisie qui garde son influence sur le royaume. La crise s’amplifie et les deux assemblées de notables (constituées de membres des trois ordres) qui se sont réunies en 1787 et 1788 ont échouées. Les masses populaires se rassemblent, elles réclament l’ouverture des états généraux. Pour satisfaire les vœux publics Louis XVI cède et la convocation des États Généraux est programmée pour le début du mois de mai 1789 à Versailles.
Vers un grand changement
Les états généraux
Les assemblées des états sont, sous l’Ancien régime, des assemblées politiques qui se tiennent pour délibérer des questions d’intérêt public. Elles se composent des députés envoyés par les trois ordres. On distinguait les États Généraux, représentant tout le royaume plusieurs provinces (provinces de langue d’oïl ou d’oc), et les États Provinciaux, formés seulement par les délégués d’une seule province. Les États Généraux sont convoqués pour la première fois en 1302 par Philippe IV le Bel. Il s’appuie sur eux pour régler ses démêlés avec le pape. Les assemblées des états n’ont jamais été périodiques (contrairement au Parlement anglais). Elles se réunissent uniquement en période de crise. Le roi fixe le lieu et la date de l’assemblée et tient compte ou non des propositions exposées. Les États Généraux furent couramment réunis au cours de la guerre de Cent Ans (défaite de Crécy, captivité de Jean II le Bon…). Ils n’ont pas été convoqués depuis 1614, date où Richelieu affirme l’absolutisme royal.
Les intérêts de chacun
A l’annonce de la convocation des États Généraux, chaque ordre se prépare à défendre son point de vue face à la crise qui touche le pays.
- La noblesse qui possède des avantages fiscaux tient principalement à conserver son influence sur le commerce en mer ou sur les grandes industries, elle se réserve aussi des fonctions dans l’armée, la marine ou la politique. Ainsi, la noblesse souhaite surtout conserver cette position dominante dans la société. La noblesse de robe (magistrats) qui est attachée aux idées du siècle espère également conserver ses prérogatives. La petite noblesse rurale constituée de gentilshommes veut, quant à elle augmenter, ses droits et ses privilèges car elle vit dans la misère du peuple.
- En 1789, le Clergé a perdu son éclat, il y a bien entendu des dignitaires honorables mais on trouve des prélats relativement choquants. Il est fort probable que certains d’entre eux ne croient même pas en Dieu. La plupart des petits abbés et curés du bas-clergé méprisent leurs chefs et souhaitent qu’on leur accorde plus d’importance.
- La bourgeoisie est le moteur des villes, elle représente le dynamisme de la France.
- Les commerçants que l’on trouve sur les marchés. Ils ont des enfants qui postulent à des postes d’avocats ou de médecins.
- La bourgeoisie du commerce. Elle s’est étendue aux affaires mondiales.
- La bourgeoisie des affaires. Elle est formée de banquiers et d’industriels.
La bourgeoisie constituera la majorité des députés révolutionnaires. Ils savent lire et écrire et s’accordent à penser que le royaume stagne. Ils espèrent gagner de l’importance dans le monde social parallèlement à leur influence politique.
- Les paysans ne souffrent plus des grandes famines du Moyen Âge, mais on trouve encore des disettes dues à l’archaïsme de l’agriculture même si la France rapporte des cultures vivifiantes. Les paysans souhaitent se libérer du joug féodal et acquérir la propriété des terres qui est accordée à un intendant du seigneur, retenu à la cour. Les paysans sont attachés à la religion mais ne supportent pas la dîme tout comme les autres impôts.
- Le peuple des villes établi autour des artisans, des boutiquiers ou mendiants a souffert du froid et de la faim durant l’hiver 1788-89. Les récoltes ont été mauvaises et les salaires ont baissés.
La volonté de changer le royaume
Peu après l’annonce de l’ouverture des états, Louis XVI annonce des élections régionales pour nommer les députés qui représenteront chaque ordre. Dans le même temps, le roi exprime son vœu de réformer l’état, d’établir l’égalité devant l’impôt et de rendre périodique la convocation des états. Le peuple manifeste son enthousiasme lorsque Louis XVI annonce que le nombre de députés du Tiers sera doublé pour une représentation plus équitable des trois ordres (le tiers représente environ 98% de la population). Cependant, pas un paysan ou artisan ne sera invité à la députation. Les députés du tiers sont banquiers, industriels ou propriétaires ruraux.
Les cahiers de doléances
« Sa Majesté désire que, jusque sur les terres les plus éloignées de son royaume, et dans les plus modestes habitations, soit donné à chacun le moyen de Lui faire parvenir ses vœux et recommandations. » A sa manière, Louis XVI commence, avec sagesse, à prendre le pouls du pays. Jusque dans les paroisses les plus isolées de France, on entreprend avec soin la rédaction de doléances et de recommandations pour le pays. Assemblées et résumées elles deviendront « les Cahiers de Doléances » que les députés de chaque région emportent avec eux à Versailles lors de la réunion des États. Dans ces 60 000 cahiers, on reste fidèle au roi mais on exige de limiter son pouvoir, on réclame l’égalité devant l’impôt, devant la justice et une nouvelle constitution garante des libertés individuelles. Chaque ordre propose des recommandations qui lui sont propres ; le clergé dénonce l’influence de Rome en France, la noblesse se plaint de l’absolutisme royal, et le Tiers État réclame le droit de chasse, la suppression de la dîme ou encore celle des droits féodaux. Tous se tiennent prêts et se préparent à intervenir lorsqu’en mai 1789, les états se réunissent.
L’abbé Sieyès est l’un des députés du Tiers État. Il assiste à tous les événements de la Révolution. Il rédige en partie la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Il joue un rôle important au Directoire. Sieyès favorise également le coup d’état de Napoléon en 1799. En 1789, il écrit ce pamphlet célèbre : - Qu’est-ce que le tiers état ? Tout. - Qu’a-t-il été jusqu’ à présent dans l’ordre politique ? Rien. - Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose.
Sources et liens
- Encyclopédie Tout l'Univers (Hachette)
- http://revolution.1789.free.fr
- http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_fran%C3%A7aise
- http://home.nordnet.fr/blatouche/revolution.html