François Ier
Introduction
1515 ! Une date qui résonne dans la mémoire de tous les écoliers de France comme un coup de canon. Elle renvoie à une prestigieuse victoire : Marignan ; et à un des plus grands rois de France : François Ier. Doté d’un remarquable sens politique, François Ier renforce l’autorité royale en posant les bases d’un Etat centralisé. Il est également connu comme « le Prince de la Renaissance », l’instigateur privilégié de l’introduction de la Renaissance italienne en France. Ce début du XVIe siècle est marqué par deux conflits importants :
- Les guerres d’Italie
- La lutte contre l’empire de Charles Quint
Louis XII
Le règne de Louis XII
Louis XII est le fils de Charles d’Orléans, le prince poète, et de Marie de Clèves. Il est par conséquent l’arrière-petit fils de Charles V. Orphelin de son père à 3 ans, il est pris en tutelle par Louis XI qui fut très dur avec lui. En effet en 1476, il le força à épouser sa fille cadette Jeanne de France. Or, cette dernière est difforme, physiquement débile, et probablement stérile. Louis XI espérait ainsi provoquer l’extinction de la branche d’Orléans, qui menace toujours la branche aînée des Capétiens. Au moment du mariage, Louis XI, toujours cynique, glisse d’ailleurs à l’un de ses confidents « … pour ce qu’il me semble que les enfants qu’ils auront ensemble ne leur coûteront point cher à nourrir… ». À la mort du roi, Louis d’Orléans échoue à obtenir la régence aux États généraux de Tours, qui est prise par Anne de Beaujeu (fille de Louis XI). Il s’allie alors avec les princes du royaume pour s’opposer à la Régente. Cet affrontement de quatre ans (1484-1488) porte le nom de guerre folle. Battu à Saint Aubin du Cormier en 1488, Louis d’Orléans est emprisonné pendant trois ans dans des conditions très dures. Gracié, il suit son cousin, le roi Charles VIII, en Italie où il tente en vain de conquérir le duché de Milan à son profit. Il succède en 1498 à Charles VIII, mort accidentellement sans enfant survivant. Devenu roi, Louis XII s’empresse de faire annuler son mariage avec Jeanne de France par le pape pour non-consommation, l’infortunée Jeanne se retire donc au couvent à Bourges. Elle fondera par la suite l’ordre des religieuses de l’Annonciade, et sera canonisée par le pape Pie XII en 1950. Louis épouse alors la veuve de Charles VIII, Anne de Bretagne. Il administre avec intelligence son domaine. Il utilise les recettes des impôts pour le bien du pays en entretenant le réseau routier. Jouissant d’une grande popularité, il est appelé le “Père du Peuple”.
Les guerres d’Italie
Les guerres d’Italie sont des conflits menés par les souverains français en Italie pour faire valoir leurs droits héréditaires sur le royaume de Naples, puis sur le duché de Milan.
- La maison d’Anjou, branche cadette des Capétiens règne sur Naples jusqu’en 1442. A cette date, le royaume est occupé par la famille d’Aragon. Après la mort de René d’Anjou, les droits de successions du duché de Naples passent au roi de France.
- Louis XII, successeur de Charles VIII, est le petit-fils d’une Visconti, famille ducal de la ville de Milan. Le roi de France s’intéresse ainsi au duché.
- Charles VIII
- Première guerre d’Italie (1494-1497)
- Louis XII
- Deuxième guerre d’Italie (1499-1500)
- Troisième guerre d’Italie (1500-1504)
- Quatrième guerre d’Italie (1508-1513)
- François Ier
- Cinquième guerre d’Italie (1515-1516)
- Sixième guerre d’Italie (1521-1526)
- Septième guerre d’Italie (1526-1529)
- Huitième guerre d’Italie (1536-1544)
- Neuvième guerre d’Italie (1543-1545)
- Henri II
- Dixième guerre d’Italie (1547-1556)
- Onzième guerre d’Italie (1556-1559)
Les expéditions italiennes de Louis XII
- A la suite d’une alliance entre Vénitiens et Français, Louis XII s’empare du duché de Milan en 1500. Il fait prisonnier le duc de la ville : Ludovic le More. De cette position stratégique, Louis XII souhaite descendre sur Naples, comme le souhaitait Charles VIII. Pour cela, le roi fait alliance avec Ferdinand II d’Aragon, et ensemble, ils s’emparent de toute l’Italie du Sud en 1501. Cependant, à la suite d’un désaccord sur le partage des terres, l’alliance franco-espagnole se rompt. Ferdinand d’Aragon force ainsi les Français à quitter Naples en 1504. Louis XII signe les traités de Blois dans lesquels il renonce à ses prétentions en Italie.
- En 1507, la ville de Gênes se soulève, et Louis XII peut de nouveau intervenir en Italie (quatrième guerre). La ligue de Cambrai comprenant la papauté, la France et le Saint-Empire s’oppose à la puissante ville de Venise. Les Français remportent la victoire d’Agnadel dans laquelle s’illustre déjà un certain Bayard. Louis XII s’empare immédiatement des villes lombardes qui lui reviennent, l’empereur Maximilien fait de même avec les siennes et le pape Jules II occupe la Romagne. Pourtant, inquiet des progrès de Louis XII, le pape Jules II manifeste sa volonté de le chasser d’Italie. Bayard combat alors les armées du pape, et ce avec succès. Pendant ce temps, Louis XII organise un concile dans le but de déposer Jules II. Ce dernier réunit la Sainte Ligue avec l’Espagne et Venise, puis l’Angleterre et les cantons suisses, contre la France. Les Français, sous les ordres de Gaston de Foix, battent les Espagnols à Ravenne en 1512. Mais le chevalier y trouve la mort, et son successeur n’a pas ses talents de général. Les Français cèdent sous les assauts des Suisses à Novare et Louis XII perd ainsi toutes ses possessions italiennes. En 1514, Louis XII devenu veuf, signe le traité de Londres avec l’Angleterre. Il épouse alors la fille du roi d’Angleterre, Marie. Louis XII meurt trois mois plus tard. Il est inhumé à Saint Denis, avec Anne de Bretagne. Il ne laisse que deux filles dont l’une, Claude de France, est mariée à son successeur désigné : François d’Angoulême.
François Ier : Un roi jeune et victorieux
L’avènement de François Ier
François, duc d’Angoulême, est un beau cavalier, haut de taille et large de carrure. Il aime la chasse, le luxe, les femmes qui raffolent de sa galanterie et de sa prestance. Il a vingt ans et quatre mois quand on annonce, le 1er janvier 1515, la mort du souverain régnant. Depuis longtemps, Louis XII, sans descendant mâle, avait prévu que François, son cousin lui succéderait, et lui avait donné en mariage sa fille, la douce Claude de France. Cette dernière possède par son père le Milanais, Gênes, la Bourgogne et la Bretagne. Elle était d’abord fiancée à Charles de Habsbourg, le futur Charles Quint. Mais, aux états généraux de Tours en 1506, conscient de la menace du futur empereur, Louis XII réagit en annulant les fiançailles de sa fille en faveur de François. Sacré à Reims le 25 janvier, François premier du nom, fait son entrée à Paris puis entraîne la cour dans la vallée de la Loire. S’il n’est pas encore totalement aguerri aux fonctions de roi, François Ier sait s’entourer de personnes efficaces. La cour que le roi rétablit à Paris, en édifiant le nouveau Louvre, est le véritable cœur du pouvoir. Sa mère, Louise de Savoie, entre au Conseil privé, elle sera deux fois régente du royaume. François Ier est reconnaissant vis-à-vis des personnes qui ont servi Louis XII : la Trémoille, de Lautrec et de La Palisse. Jusqu’en 1541, Anne de Montmorency, nommé premier gentilhomme de la chambre du roi, va connaître la faveur royale et une carrière éclatante.
La salamandre, emblème de François Ier, symbolise le pouvoir sur le feu, donc sur les hommes et sur le monde. La devise Nutrisco & extinguo (« Je m’en nourris et je l’éteins »), qui accompagne parfois cet emblème, prend tout son sens lorsqu’on se réfère au pouvoir sur le feu. On la retrouve sur énormément de plafonds et de murs du château de Chambord et sur les armes de la ville du Havre. Cet animal un peu magique est censé éteindre les mauvais feux et attiser les bons.
La bataille de Marignan
A peine couronné, François Ier rejoint son armée de 300 000 hommes à Lyon. Son but est de reprendre le duché de Milan (tout comme son prédécesseur). En quelques jours, il lui fait franchir les Alpes au col de Larches. Exploit remarquable pour l’époque avec une telle armée équipée d’une formidable artillerie de 120 pièces. L’artillerie est l’atout numéro un, c’est la première d’Europe. Il arrive devant Milan avec toute son armée, ses adversaires négocient. Le roi pense avoir satisfaction sans combattre. Brusquement le 13 septembre, les Milanais sortent de la ville et enfoncent l’armée royale. Le plus gros de leurs troupes est formé de la meilleure infanterie du monde, celle des Suisses, qui louent leurs services comme mercenaires. Ces derniers attaquent les lansquenets qui protègent l’artillerie. Les trois carrés de piquiers (7 000 à 8 000 hommes par carré) les font plier mais le roi vient les soutenir. Le chevalier Bayard, se bat avec une grande bravoure. Son cheval est tué sous lui. Il se remet en selle aussitôt ; les brides sectionnées, sa seconde monture s’emballe et l’entraîne vers les rangs suisses. Mais il se sauve à temps et regagne son camp à travers les vignes. Les troupes tiennent jusqu’à minuit, puis le combat s’arrête. Au petit matin du 14, le combat reprend. L’artillerie française commandée par le sénéchal d’Armagnac fait des ravages mais l’aile gauche de l’armée du roi commandée par le duc d’Alençon, fléchit. L’arrivée des renforts vénitiens alliés des Français ont raison des Suisses. Ils quittent le champ de bataille de Marignan, abandonnant 20 000 morts et prisonniers. François Ier est fait chevalier sur le champ de bataille par Pierre du Terrail, seigneur de Bayard. Le Milanais est reconquis. La ligue des princes italiens se défait, les négociations commencent. L’année suivante, à Bologne, le pape Léon X accepte un concordat qui règle les affaires de l’Eglise de France : le roi seul a autorité pour désigner les évêques et les abbés dans son royaume. La bataille de Marignan, à l’aube du règne de François Ier, est devenue un symbole de la gloire du roi. La défaite des Suisses est un événement, car ceux-ci ont acquis, par leur discipline, une réputation d’invincibilité. Une paix perpétuelle est signée avec ces derniers : ils s’engagent à ne plus servir dans des armées qui feraient la guerre au roi de France. En retour le roi lève régulièrement des troupes de mercenaires pour ses campagnes militaires. Jamais cette paix ne s’est trouvée rompue.
Né près de Grenoble en 1465, Pierre de Terrail, seigneur de Bayard, fait son apprentissage de jeune noble comme page auprès du duc de Savoie ; puis il passe au service des rois de France. Il va devenir le « Chevalier sans peur et sans reproche ». Toujours, son nom a été synonyme de bravoure inégalée, de totale loyauté à son roi et d’esprit chevaleresque. Dans le royaume de Naples, au pont du Garigliano, il tient seul en respect une troupe de 200 Espagnols. Prisonnier à deux reprises, il est libéré sans rançon par ses ennemis qui l’admirent. Il refuse de participer aux pillages des villes et protège les non-combattants contre les violences. Bayard est un brillant homme de guerre qui contribue à la victoire de Marignan, et qui, en 1521, défend la ville de Mézières contre Charles Quint et l’oblige à la retraite. Quand il est mortellement blessé, en 1524, en protégeant la retraite de l’armée française du Milanais, ses adversaires viennent lui témoigner leur respect.
Le royaume de François Ier
Un puissant royaume
François Ier a hérité du royaume le plus cohérent d’Europe, même si les institutions venues du Moyen Âge compliquent singulièrement le gouvernement royal : privilèges des provinces, pouvoirs seigneuriaux encore très puissants, comme ceux du connétable Charles de Bourbon qui règne presque comme un roi sur le Centre. La France couvre à peu près 450 000 km² et elle compte 15 à 18 millions d’habitants, ce qui en fait le pays le plus peuplé d’Europe. Les étrangers envient la richesse de la France. Elle exporte ses grains, ses vins, du sel, des toiles… Chaque année, des milliers de paysans et d’artisans vont travailler en Espagne d’où ils reviennent les poches garnies de belles monnaies frappées dans l’argent qu’envoie l’Amérique du Sud. Car l’Espagne et le Portugal ont fondé d’immenses empires coloniaux. Les Français commencent à leur tour à explorer les mers : en l’an 1534, Jacques Cartier aborde au Canada. Pour mieux ouvrir le royaume sur l’Atlantique, le roi fonde Le Havre en 1537. De Dieppe, le navigateur et armateur Jean Ango envoie ses navires sur les routes des épices ; mieux encore il fait la course aux galions espagnols et portugais chargés de trésors. En ce temps-là, quand 90% des Français vivent à la campagne, Paris, avec ses 200 000 habitants, passe pour une ville monstrueuse. Lyon, devenue un grand centre d’affaires, compte 50 000 habitants qu’enrichissent les foires, les activités bancaires, les fabricants de soieries ainsi que les soixante imprimeries qui en font la capitale européenne du livre. De cette France riche, active, bien peuplée, le roi tire des ressources énormes. Et portant… L’entretien d’une cour qui atteint jusqu’à 15 000 personnes et d’une armée de mercenaires, les dépenses qu’exigent les constructions royales, tout cela fait que le roi est sans cesse à court d’argent. Paysans et petites gens des villes sont soumis à bien des impôts, dont les plus lourds sont la taille et la gabelle ; le clergé doit consentir à verser de fortes sommes, mais trop de privilégiés échappent injustement à l’impôt. Le roi ne peut obtenir plus.
Le roi en 1524 aide les marchands florentins installés à Lyon puis Jehan Ango, l’armateur dieppois, à financer l’expédition de Giovanni da Verrazano en Amérique du Nord ; lors de cette expédition, Verrazano cartographie Terre-Neuve, puis fonde la Nouvelle-Angoulême (la future Nouvelle-Amsterdam, plus connu sous le nom de New-York) en hommage à la famille du roi de France. En 1534, il envoie Jacques Cartier explorer le fleuve Saint-Laurent au Québec pour découvrir « certaines îles et pays où l’on dit qu’il se doit trouver grande quantité d’or et autres riches choses ».
L’organisation du royaume
François Ier est un roi obéi, le gouvernement royal s’organise et gagne en efficacité. Les conseils royaux se spécialisent : le connétable (chef des armées) et le chancelier (chef de la justice et de l’administration) ont une forte autorité. Le roi multiplie les officiers, fonctionnaires qui achètent leurs charges. Ils sont entre 8 000 et 9 000 à la fin du règne. Grâce à eux, la justice et les finances royales sont gérées le moins mal possible. Parmi les très nombreuses décisions royales (plus de 30 000), on retiendra l’édit de Villers-Cotterêts (1539). Grâce à lui, chaque curé doit tenir à jour un registre des naissances, c’est le début de l’état civil en France et les premiers enregistrements avec filiation au monde. La même ordonnance fait du français la langue officielle de l’administration et du droit en lieu et place du latin. Certains disent que la monarchie absolue commence avec François Ier. Les institutions qu’il met en place vont permettre à ses successeurs de renforcer toujours plus leur autorité. La noblesse reste vigilante sur le maintien de ses privilèges, mais le roi réussit à se débarrasser de son plus grand seigneur : Charles de Bourbon, qui part servir Charles Quint. Les parlements, aussi, peuvent regimber. Ces puissantes cours de justice exercent un droit de remontrance sur les décisions royales et, parfois refusent de les enregistrer. Autre facteur de trouble la multiplication des réformés (protestants). Le roi est très tolérant à leur égard, mais il ne peut finalement supporter qu’ils mettent en danger l’unité morale du royaume. En 1540, l’édit de Fontainebleau autorise une persécution systématique. Ce n’est pas encore la guerre civile, mais des violences graves sont exercées.
La lutte contre Charles Quint
Un puissant adversaire
A vingt-deux ans, François Ier pouvait apparaître comme le plus puissant des souverains d’Europe. Mais il devait faire face à deux autres royaumes :
- Le royaume d’Angleterre du roi Henri VIII
- Mais surtout, l’empire de Charles de Habsbourg, dit Charles Quint
En 1519, Charles, qui n’avait pas vingt ans, régnait sur les Pays-Bas, l’Autriche, l’Espagne et son empire colonial. A la mort de Maximilien de Habsbourg, son grand-père, il fallut élire un nouvel empereur pour gouverner la mosaïque d’Etats et de principautés que représentait l’Allemagne. Charles entendait bien lui succéder. Mais François Ier posa également sa candidature auprès de sept princes Electeurs allemands. Charles fut élu et prit le titre de Charles Quint, le 28 juin 1519. Il lui en coûtait l’équivalent de deux tonnes d’or qui avaient acheté les votes des Electeurs. François Ier, lui y avait gaspillé une tonne et demie d’or. Le titre était prestigieux et l’échec fut cruel pour le roi de France. Devant la puissance écrasante de Charles Quint, François Ier chercha des alliés. L’Italie lui étant hostile, il se tourna vers le roi d’Angleterre, Henri VIII. Au mois de mai 1520, les deux jeunes souverains se rencontrent près de Boulogne-sur-Mer, dans l’extravagant Camp du Drap d’or. Assauts d’élégance, superbes festins, bals et tournois, rien ne manque à ces longues journées de fêtes. Les châteaux sont des assemblages de toiles peintes, François Ier et sa suite logent dans une ville bâtie de tentes aux tissus précieux. Les deux souverains se jurent amitié : quinze jours plus tard, Henri VIII s’allie à Charles Quint !
Pour comprendre comment Charles Quint a pu arriver à la tête d’un immense empire et devenir le monarque chrétien le plus puissant de son temps, il convient de regarder sa généalogie puisque ses grands-parents lui ont tous apporté un titre :
- Côté paternel (Philippe Ier le Beau)
- Empereur du Saint-Empire Germanique (Maximilien de Habsbourg)
- Duc de Bourgogne (Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire)
- Côté maternel (Jeanne la Folle)
- Roi des Espagnes (Isabelle Ière de Castille + Ferdinand II d’Aragon)
- Roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem (Ferdinand II d’Aragon)
Les guerres religieuses et la pugnacité des rois François Ier et Henri II ont finalement mis fin à la réalisation du rêve carolingien de Charles Quint. Les Habsbourg restent par la suite une dynastie puissante en Europe jusqu’au XXe siècle.
Une lutte sans fin
François Ier ne peut accepter la toute puissance de Charles Quint ; de même ce dernier n’est assuré de son pouvoir en Europe que s’il vient à bout du royaume le plus riche et le plus peuplé. Aussitôt François Ier lui déclara la guerre ; mais il n’éprouva que des revers : en 1521, le Chevalier Bayard défendit Mézières assiégée par les troupes allemandes de Charles Quint ; après la défaite d’Odet de Foix à la bataille de la Bicoque (1522), la retraite de Bonnivet, battu à la bataille de Biagrasso, et la perte du Chevalier Bayard, il fut lui-même vaincu et fait prisonnier à la bataille de Pavie (1525). C’est sa défaite la plus terrible : les Français avaient fait dans ce combat des “prodiges de valeur” ; le roi aurait écrit à sa mère : « Tout est perdu, fors l’honneur ». François Ier est retenu prisonnier une année à Madrid et est contraint de faire des concessions importantes en vue d’être libéré contre l’emprisonnement pendant quatre années de ses deux fils ainés, le Dauphin François de France et Henri de France (futur Henri II). Il ne recouvra sa liberté que par un traité onéreux signé à Madrid en 1526, par lequel il s’engageait notamment à céder la Bourgogne, la Flandre et le duché de Milan à Charles Quint. Cependant à son retour en France, François prétexte que son accord fut obtenu sous la contrainte et le renie. Les enfants royaux après une dure détention sont libérés contre une somme d’argent importante. Les Bourguignons refusèrent de se séparer de la France et la guerre recommença presque aussitôt. Charles Quint ne peut lever assez de troupes régulières pour écraser son rival. François Ier, en effet, sait s’appuyer sur toutes les ressources de son royaume : il recrute des mercenaires et achète à prix d’or, pendant des années, la neutralité anglaise. En prince qui a compris les enseignements de Machiavel, il s’allie avec les princes allemands dont les révoltes menacent l’empereur. Ce sont pourtant des réformés, les mêmes qui sont persécutés dans son propre royaume. Encore plus audacieux : il s’allie avec les Turcs dont les armées menacent pourtant Vienne et l’Allemagne. En 1547, à la mort du roi de France, le royaume est intact. C’est un conflit de deux siècles qui ne fait que commencer : la lutte de la France contre le poids des souverains d’Espagne et d’Autriche.
Sous le règne de Soliman II dit « le Magnifique » (1520 - 1566), l’Empire turc s’étend de l’Iran au Maroc actuels. En Europe, ses armées conquièrent la Hongrie et assiègent Vienne. Contre cet ennemi triomphant, Charles Quint mobilise toutes les ressources du monde chrétien. Quel scandale en 1535 quand on apprend l’alliance entre François Ier et le sultan ! Les Français pourront résider dans l’Empire turc, y voyager, faire du commerce ; et les Turcs vont attaquer par l’est le vieil ennemi du roi. Indignée, la chrétienté assiste au siège de Nice par les troupes franco-turques (1543). Pendant l’hiver, à Toulon, des milliers d’habitants sont dispersés pour accueillir dans leurs demeures ces étranges alliés musulmans.
Le Prince de la Renaissance
L’influence italienne
Un roi de ce temps est un roi qui bouge. Il voyage pour son plaisir, mais aussi pour connaître son royaume et se rapprocher de ses sujets. Toujours en mouvement, il emmène avec lui l’immense cohue de la cour ; de 1531 à 1534, notamment, il parcourt la France, du Nord au Midi. Régulièrement, des fêtes jalonnent ses déplacements : les villes organisent des entrées solennelles où ballets, chants, décors à la louange du roi, tout adopte les nouvelles expressions artistiques de ce temps. Les châteaux où il s’arrête sont rebâtis, réaménagés selon les enseignements de l’Italie. Le règne de François Ier est celui d’un grand brassage d’hommes et d’idées ; il est le roi qui naturalise en France le mouvement de la Renaissance amorcé avant lui. Alors que ses deux prédécesseurs, Charles VIII et Louis XII, ont consacré beaucoup de temps aux guerres d’l’Italie, ils n’ont pas saisi le mouvement artistique et culturel qui s’y développait. Le contact entre les cultures italienne et française pendant la longue période des campagnes d’Italie, introduisent de nouvelles idées en France au moment où François reçoit son éducation. Sa mère Louise de Savoie et ses précepteurs, notamment Desmoulins, son professeur de latin, et Christophe de Longeuil inculquèrent au jeune François un enseignement très inspiré de la pensée italienne.
Les lettres et les arts
Sous le règne de François Ier se multiplient les établissements d’enseignement secondaire, les collèges, où les élèves sont formés aux humanités classiques. Bien que surveillée, et parfois réprimée, l’imprimerie, à Paris et à Lyon surtout, prend un essor prodigieux. Le roi exige qu’un exemplaire de tous les livres figure dans sa bibliothèque : c’est la formation de la Bibliothèque nationale. En 1530, il crée, à ses frais, des enseignements nouveaux, de haute qualité, pour l’amélioration de l’étude des langues anciennes et des mathématiques : c’est le début de notre Collège de France. Plus connu encore, le rôle de François Ier comme protecteur des artistes étrangers et roi bâtisseur est spectaculaire. Après Marignan, il ramène d’Italie Léonard de Vinci dont il conservera, après sa mort, la Joconde. Il achète au peintre Raphaël la Vierge au rocher. Parmi tous les artistes qu’il a fait venir ou accueillis, les plus illustres sont le sculpteur et orfèvre Benvuto Cellini et le Primatice qui, jusqu’à sa mort (1570), sera une sorte de ministre des Beaux-arts. Et le roi applique son talent à l’aménagement de la plus grande construction du règne, celle du château de Fontainebleau, où l‘on a travaillé de 1530 à 1570. En 1540 s’achèvent les travaux de Chambord, inauguré vingt ans auparavant. En 1546, Pierre Lescot commence la transformation du Louvre en rasant le château de Philippe Auguste et en édifiant les premiers murs de la cour Carrée.
François Ier manifesta une véritable affection pour le vieil homme qu’il appelait « mon père » et qu’il installa au Clos Lucé, à portée du château royal d’Amboise. Il lui confia diverses missions comme l’organisation des fêtes de la Cour à Amboise, la création de costumes ainsi que l’étude de divers projets. Vinci resta en France jusqu’à sa mort, dans les bras du roi selon la légende.
L’héritage de François Ier
François Ier meurt le 31 mars 1547, à 52 ans. Sa tombe fut profanée pendant la Révolution. Ses rêves de conquêtes en Italie lui ont fait gaspiller bien des ressources de son royaume, mais il le laisse intact. Il n’a pu vaincre Charles Quint, mais la monarchie autrichienne et espagnole n’a pu venir à bout de cet adversaire opiniâtre. En trente ans, le pouvoir monarchique a fait des progrès considérables et définitifs : la monarchie absolue est devenue possible. La tolérance de François Ier, roi chrétien, ne l’a cependant pas incité à suivre les exemples des rois allemands ou anglais : son royaume va rester catholique, massivement. Prince de la Renaissance, il laisse derrière lui un pays en pleine effervescence intellectuelle, où Rabelais achève son Gargantua, où les grands personnages rivalisent avec le roi pour construire d’admirables palais : Anet pour Diane de Poitiers, Chantilly, Ecouen pour le connétable de Montmorency, Chaumont-sur-Loire, etc.
Le Château de Fontainebleau est un château qui fut demeure des souverains de la France depuis François Ier jusqu’à Napoléon III. Plusieurs rois ont laissé leur empreinte dans la construction et l’histoire du château. François Ier décide de faire édifier un château de style Renaissance. Il fait appel à des artistes italiens pour assurer la construction et la décoration de son palais. Il vient chasser à Fontainebleau, accompagné par sa cour et sa maîtresse, la duchesse d’Étampes. Le roi souhaite faire de Fontainebleau un foyer de l’art de la Renaissance : il collectionne les objets d’art, commande des œuvres sur la mythologie, fait venir d’Italie des antiques. Il reçoit des tableaux de la part du pape et fait venir des moules de statues romaines afin de couler des bronzes. Fontainebleau est parfois désigné comme la « Nouvelle Rome ». Pendant la Révolution française, le palais est vidé de son mobilier; il devient successivement une caserne puis une prison. C’est Napoléon Ier qui fait revivre Fontainebleau à partir de 1804. Deux soirs par semaine, il fait donner des spectacles d’opéra et de théâtre. C’est à Fontainebleau que Napoléon Ier signe son acte d’abdication en 1814. Le 20 avril, il prononce un discours resté fameux à sa garde dans la Cour des Adieux. Au XIXe siècle, l’épouse de Napoléon III, Eugénie, passe ses soirées dans le petit théâtre construit par son mari.
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