La France sous Napoléon
La France sous le Consulat
Un État à réformer
C’est sous Napoléon que la France connut d’importantes réformes qui contribuèrent à forger l’identité du pays à la suite de la Révolution, et font de lui un des pères de nos institutions. Après la Révolution, les Français ont obtenu de nouvelles libertés, et acquis l’égalité civile. Libérés du joug féodal et des prélèvements du clergé (dîme), les paysans restaient sous l’influence de bourgeois, qui s’enrichissaient et constituaient de grandes propriétés. Mais tous sans exception souhaitaient la tranquillité, la stabilité économique, la fin des bouleversements politiques et de l’insécurité dans les campagnes. C’est le but que s’était fixé Bonaparte, alors Premier Consul.
La Constitution du Consulat
Napoléon commença par promulguer la Constitution de l’an VIII, le pouvoir exécutif est principalement attribué au Premier Consul, qui réduisait à peu de chose les fonctions des deux autres (Cambacérès et Lebrun qui remplacent Sieyès et Ducos). Il nommait les ministres, et s’occupait des traités et déclarations de guerre. Le pouvoir législatif était assez réduit, il était composé de deux Chambres composées chacune de 300 membres. Le Tribunat se contentait de discuter les lois (donnant son accord ou son refus), le Corps Législatif quant à lui, votait les lois sans pouvoir les discuter. Ingénieux système, où le pouvoir d’une Chambre n’empiète pas sur l’autre. Les ministres (dont les plus célèbres sont Fouché et Talleyrand) étaient autorisés à donner leur avis, mais il fallait éviter de contrarier l’Empereur, car ses colères étaient célèbres. Un jour, il décocha un coup de pied dans le ventre du sénateur Volney qui n’était pas d’accord avec lui.
A gauche, Jean-Jacques Régis de Cambacérès, au centre Napoléon Bonaparte et à droite Charles-François Lebrun
L’organisation du Régime
L’histoire intérieure du Consulat (1799 - 1804) fut celle d’une réorganisation efficace et rapide de l’administration territoriale. Une police s’empressa de rétablir l’ordre autour de la Provence ou du Languedoc où des brigands s’étaient installés. Mais ces mesures s’avérèrent souvent excessives (2 500 personnes incarcérés dans les prisons d’État), d’autant plus que le brigandage ne cessa pas complètement. De nouvelles routes permirent de rétablir les voies de communication, et elles avaient pour but de faciliter le déplacement des armées et des agents. La centralisation du pouvoir amorcée sous l’Ancien Régime fut renforcée par le Consulat. Napoléon prenait la majorité de ces décisions au palais des Tuileries où il s’était installé.
Les agents de Bonaparte (préfets et juges)
Dans les départements, le pouvoir fut délégué à des administrateurs nommés par lui. Il y avait les préfets (aidés des sous-préfets), ils nommaient les maires de commune de moins de 5 000 habitants, pour les autres villes plus importantes c’est le Premier Consul qui se réservait de ces nominations. Après la réorganisation de la Justice en 1800, les juges devenaient des fonctionnaires nommés par le Premier Consul. Dans tous les domaines, le pouvoir d’un seul homme s’établissait, il lui fallait parachever la tâche en rétablissant la paix civile des Français.
Napoléon porta toujours un intérêt certain aux progrès techniques et scientifiques. Ici, on voit Alexandre Volta qui présente en 1800 au Premier Consul sa découverte : la pile électrique
Les grandes mesures du Consulat
Le concordat de 1801
Réconcilier les Français obligeait à rétablir l’entente entre le clergé et les révolutionnaires patriotes. Il signa donc un concordat avec le pape Pie VII. L’Église retrouvait une place dominante dans la société française, mais en contrepartie le gouvernement avait lui aussi une influence sur l’Église, et Bonaparte s’occupait de nommer les évêques et rétribuer les ecclésiastiques comme ses fonctionnaires. Cependant Pie VII entra en conflit avec l’Empereur et fut interné à Fontainebleau, un nouveau concordat fût signé en 1813, que le pape désavoua la même année.
Le Code civil
Les règles juridiques de l’Ancien régime furent entièrement modifiées par l’institution de nouvelles lois et règles juridiques. Promulgué en 1804, le Code civil tenait compte des transformations irréversibles de la Révolution mais conservait quelques principes d’ordres de l’Ancien Régime. Ainsi le Code civil prenait acte de la disparition de la féodalité, garantissant les libertés personnelles, l’égalité des citoyens devant la loi et la laïcité de l’Église. Cependant, il renforçait l’autorité paternelle dans la famille, réduisant la condition de la femme et des enfants. Le droit de propriété fut renforcé, provoquant l’essor de la bourgeoisie. Il rétablit le droit d’aînesse sur les terres (l’aîné des enfants obtient l’héritage des biens des parents). Il interdisait les grèves et les manifestations des syndicats. Les ouvriers portaient un livret distribué par la police où les patrons appréciaient les qualités ou défaut du titulaire. De nombreux pays d’Europe et même le Canada utilisèrent ce code (aussi appelé Code Napoléon) pour établir leur constitution.
« Ma vraie gloire, ce n’est pas d’avoir gagné quarante batailles; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code Civil. Il faudra pourtant le refaire dans trente ans. » Napoléon à Saint Hélène
l’apogée du règne
L’essor économique
Bonaparte s’efforça de rétablir les finances de l’État (qui fit défaut avant la Révolution). Il appliqua un système de collecte d’impôts stable et égal, par la création d’un corps de précepteurs et contrôleurs. La Banque de France fut crée en 1800 regroupant des associations privés, il frappait la monnaie et la distribua exclusivement dès 1803 (il s’agit de la nouvelle monnaie : « le franc germinal«). S’inspirant des mesures de Colbert, Napoléon ferma les frontières aux produits étrangers, créant une condition d’autarcie destinée à favoriser la production intérieure. L’industrie cotonnière fut une bénéficiaire privilégié. Des industriels comme Dollfus à Mulhouse ou Richard-Lenoir à Paris adoptèrent des machines anglaises (c’est le début de la Révolution industrielle). L’industrie lainière connut elle aussi un essor important. L’industrie du fer se développa avec l’extraction de minerais en Lorraine. En agriculture, les produits coloniaux comme le café et le sucre de canne, furent rejoint par la chicorée et le sucre de betterave.
La France Napoléonienne
L’œuvre de réorganisation fut par son ampleur introduite de mesure de qualités qui lui assurèrent une durée exceptionnelle. Mais le Premier Consul était dévoré par l’ambition de la perfection, asseoir la durabilité du régime, s’assurer de l’obéissance du peuple. Mais les succès sur les champs de bataille et à l’intérieur de l’État lui firent accepter l’Empire, « C’est par des conquêtes que je me suis élevé, c’est uniquement par des conquêtes que je pourrais me maintenir ». Une fois Empereur, Napoléon avait peu de chose à changer aux institutions établies, il se contenta de les rendre encore plus autoritaire. Le Tribunal fut dissous en 1807, le travail des ministres ne se résumait juste à l’exécution des décisions de l’Empereur. Il disait à son ministre de la guerre Berthier « Tenez-vous strictement aux ordres que je vous donne; moi seul je sais ce que je dois faire. » Napoléon s’entourât d’une cour, et 18 généraux devinrent maréchaux, il s’agissait de faire accepter l’Empire. Celui-ci avait pour emblème un aigle déployée qui faisait référence à César et Charlemagne, mais Napoléon adopta aussi l’abeille d’or que lui conseilla Cambacérès. On avait en effet retrouvé des abeilles d’or dans le tombeau de Childéric Ier en 1653 et ce fut un des symboles adopté par les Mérovingiens.
Napoléon mènant la campagne de France avec ses maréchaux et généraux épuisés.
Maréchaux d’Empire | Dates | Nomination | Titres de noblesse de l’Empire |
---|---|---|---|
Augereau | 1757 - 1816 | 1804 | Duc de Castiglione |
Bernadotte | 1763 - 1844 | 1804 | Prince de Ponto-Corvo |
Berthier | 1753 - 1815 | 1804 | Prince de Neufchâtel, prince de Wagram |
Bessières | 1768 - 1813 | 1804 | Duc d’Istrie |
Brune | 1763 - 1815 | 1804 | Comte de l’Empire |
Davout | 1770 - 1823 | 1804 | Duc d’Auerstaedt, prince d’Eckmül |
Gouvion Saint-Cyr | 1764 - 1830 | 1812 | Comte de l’Empire |
Grouchy | 1766 - 1847 | 1815 | Comte de l’Empire |
Jourdan | 1762 - 1833 | 1804 | Ne fut pas annobli |
Kellermann | 1735 - 1820 | 1804 | Duc de Valmy |
Lannes | 1769 - 1809 | 1804 | Duc de Montebello |
Lefebvre | 1755 - 1820 | 1804 | Duc de Dantzig |
MacDonald | 1765 - 1840 | 1809 | Duc de Tarente |
Marmont | 1774 - 1852 | 1809 | Duc de Raguse |
Masséna | 1758 - 1817 | 1804 | Duc de Rivoli, prince d’Essling |
Moncey | 1754 - 1842 | 1804 | Duc de Covegliano |
Mortier | 1768 - 1835 | 1804 | Duc de Trévise |
Murat | 1767 - 1815 | 1804 | Grand duc de Berg et de Clèves, roi de Naples |
Ney | 1769 - 1815 | 1804 | Duc d’Elchingen, prince de la Moskowa |
Oudinot | 1767 - 1847 | 1809 | Duc de Reggio |
Pérignon | 1754 - 1819 | 1804 | Comte de l’Empire |
Poniatowski | 1763 - 1813 | 1813 | Prince du Saint Empire |
Sérurier | 1742 - 1819 | 1804 | Comte de l’Empire |
Soult | 1769 - 1851 | 1804 | Duc de Dalmatie |
Suchet | 1770 - 1826 | 1811 | Duc d’Albufera |
Victor | 1764 - 1841 | 1807 | Duc de Bellune |
Les références néo-classicisme
Sous l’Empire, l’Europe subit un nouveau mouvement de l’art : le néo-classicisme, qui prône le retour aux canons esthétiques de l’Antiquité grecque et latine. En architecture, l’arc de Triomphe de l’Étoile par exemple, il y a bien d’autres monuments parisiens qui en font partis comme la Bourse de Paris. En peinture, les tableaux de David comme « les Sabines » ou « le serment des Horaces » témoigne de ce changement. L’ameublement et la mode y sont aussi influencé, comme la chambre à coucher de Bonaparte aux Tuileries en est un exemple. Mais bien plus encore, on trouve de nombreuses références à la Rome Antique sous le régime politique de Napoléon, le Consulat est ainsi emprunté au triumvirat, l’Empire et son symbole l’Aigle y sont également rapportés. Les récentes fouilles d’Herculanum et de Pompéi (respectivement en 1720 et 1748) firent découvrir davantage l’art romain expliquant un nouveau retour à l’Antiquité en Europe après celui de la Renaissance.
Portrait, de l’Empereur avec les lauriers des « Césars ».
La fin de l’Empire
Un régime despotique
A mesure que le pouvoir impérial devenait plus absolu, les libertés durement acquises sous la Révolution se restreignaient comme une peau de chagrin. L’obéissance des citoyens redevenus sujets était la plus grande des vertus, on récompensait certains d’entre eux par les premières croix de la Légion d’honneur, Napoléon déclarait : « C’est avec des hochets que l’on mène les hommes. » La presse fut étroitement surveillée, seuls quatre titres jouissait de leur publication à Paris, ils devaient en outre restreindre leur allusion politique. Napoléon, lui-même falsifiait les chiffres qu’on lui faisait parvenir. En province, seul un titre circulait, rédigés par des hommes nommés par le préfet. Le théâtre et la littérature était couramment soumis à la censure. Certains écrivains critiques comme Chateaubriand ou Mme de Staël étaient contraint à l’exil ou au silence. L’éducation, n’avait quant à elle, pour seul but de former l’élite capable et disciplinée destinée à encadrer la nation. L’école primaire fut négligée au profit des lycées, qui devaient former les fonctionnaires ou officiers. On y enseignait le latin, la grammaire, l’Histoire sainte et ancienne, ainsi que des rudiments en sciences et mathématiques. Le monopole de l’enseignement par l’État était confié à un grand maître qui dirigeait l’Université. Le baccalauréat, diplôme d’État fut créé à cette époque là. Enfin, l’esclavage qui avait été banni par la Révolution fut rétabli en 1802 après la révolte de Saint-Domingue mené par Toussaint Louverture où le général Leclerc mourût.
La montée de l’opposition au régime
Dés 1812, après les premiers signes de faiblesse montrés par l’Empire (guérilla espagnole et campagne de Russie), la majorité des classes sociales manifestent d’un mécontentement général. La bourgeoisie, qui avait pourtant bénéficié des mesures du Consulat, et par l’élargissement de ses marchés, commence à se lasser de l’absence totale de libertés et critiques à l’encontre du pouvoir. Le blocus continental à l’encontre de l’Angleterre avait favorisé la primauté de l’économie française, mais les produits agricoles qui étaient exportés en Angleterre (vin, blé, chanvre, lin) étaient nombreux, et l’industrie connût très vite des problèmes croissants pour se ravitailler en matières premières. Les paysans quant à eux, en avaient assez de voir leurs enfants partir de plus en plus jeune au front. La classe ouvrière salua d’abord l’interdiction du travail à la mine des enfants de moins de 10 ans, mais Napoléon s’intéressa que très peu au « peuple des faubourg » dont il accordait une méfiance. La guerre, avait jusqu’ici rapporté beaucoup de richesses à l’Empire, mais par la suite, elle coûta de plus en plus cher, sans compter que les jeunes soldats commençaient à manifester une lassitude. Enfin, le conflit avec la papauté valût à Napoléon le mépris des gens du clergé et nombre de catholiques. Peu à peu, par intérêt et lassitude, les Français se détachaient du régime, pourtant le peuple et l’Armée a gardé une réelle dévotion pour leur empereur jusqu’à la fin. Les grands empires qu’a portés l’Histoire ont souvent été éphémères, et celui de Napoléon n’échappe pas à la règle.
Sources et liens
- Encyclopédie Tout l'Univers (Hachette)